Essais GasGas enduro 2024: entre excellence des 4T et réserves sur les 2T

Pour aller taquiner les Autrichiennes en Italie, on a fait appel à Cyril Raynaud qui participe cette année au championnat du monde d'enduro en catégorie Open 2 temps. Avant de commencer l'essai, laissons donc la parole à Cyril pour qu'il nous explique son niveau de pilotage et son background à moto.

Je m’appelle Cyril Raynaud, la trentaine et je suis coach (Cyslight coaching) dans le milieu de l’enduro et du motocross. J’ai passé mon diplôme d’entraineur DEJEPS moto il y a 5 ans. Depuis l’initiation moto, le perfectionnement ainsi que la préparation physique spécifique à la moto est mon quotidien ! D’ailleurs un article spécifique sur la préparation physique moto, prochainnement sur Freenduro ça vous dirait ?

J’ai participé durant 2 saisons au championnat de France enduro sous les couleurs de la Sherco academy en N3. Malheureusement, je fais les frais de la réputation de la marque m’empêchant de concrétiser de bonnes places au championnat à cause des casses moteurs, mais je décroche tout de même un titre de vice-champion de France cross-country N3. L’année dernière, j’intègre le team Beta OX moto, mais alors que j’étais troisième au championnat de France N3, mes ligaments croisés internes et ménisque décident d’écourter ma saison sportive. Lors de cette phase de rééducation, je  décide alors de réaliser mon rêve de participer au championnat du monde d'enduro en 2023.  C'est ainsi que cette année, je participe au mondial en catégorie Open 2T dans laquelle je suis actuellement 3ᵉ du provisoire.

Revenons à nos moutons ou plutôt nos GasGas

Avant de rentrer dans le détail de chaque cylindrée, petite précision sur cette gamme enduro GasGas (qui s'enrichit cette année d'une 450 et 500 4T) l'ensemble des motos disposent du même châssis, des mêmes freins, des mêmes suspensions, et des mêmes guidons ! Vous l’aurez compris, la seule chose qui les différencie réellement ce sont leurs cylindrées.

Cet essai s'est déroulé en Italie au sud de Florence lors du GasGas Spice it Festival. Ce Festival rassemble l’ensemble des journalistes moto tout terrain du monde, oui monsieur, du monde ! Américains, Australiens, Canadiens, Espagnols, Polonais… en un mot, tout le monde était là. En plus, la marque avait sorti le grand jeu avec la présence de ses tops pilotes Justin Barcia, Andrea Verona, Taddy Blazusiak, Laia Sanz)

Cette sacrée brochette de pilote de légende a aussi participé aux essais, écrira-t-elle un article ? Rien n'est moins sûr ! Donc à priori, il faudra vous contacter de mon avis perso ;-)

Cyril au côté des 2 champions Barcia et Verona

Les éléments communs à toute la gamme GasGas 2024

Allez, on saute sur ces GasGas ! Grâce à une selle relativement confortable, on est tout de suite bien installé, presque aussi bien que sur son canapé. Dommage que les ventilateurs ne soient que sur les radiateurs (de série sur les 4T et en option pour les 2T) et non sur moi, car avec les 30 °C lors de ces essais, ça m'aurait un peu rafraîchi ;-)

On entend souvent des retours assez négatifs sur les freins Brateck des Gas Gas. Perso, je les ai trouvés ces freins Brateck plutôt agréables et performants sur les 2024. Certes, c'est moins puissant que certaines marques concurrentes, mais ce côté "un peu mou" apporte de la délicatesse et un freinage progressif. Il vaut mieux ça, que de glisser comme une m***** de l’avant lors d'un freinage trop agressif, non ?

Les repose-pieds de séries sont plus larges que sur la majorité des motos concurrentes. Grâce à cela, on dispose d'une bonne amplitude de mouvements de pilotage et en prime d'un grip très correct (donc de la traction au sol !).  Plus besoin d’investir dans des repose-pieds hors de prix en titane style "piège à loup", qui ont le gros désavantage de trouer littéralement les bottes.

Autant les cale-pieds m'ont convenu, autant le guidon lui n’est pas vraiment à mon gout.  Après, c'est totalement MON ressenti et rien de plus simple que de le changer pour monter un modèle qui vous conviendra mieux. Le poste de pilotage est pour moi un peu haut (malgré mes 1,90 m), car j’aime avoir un guidon relativement bas pour m’inscrire facilement en virages (pour charger l'avant plus facilement), même si c'est au détriment du confort debout.

Les suspensions et amortisseurs WP sont plutôt connues pour ne pas être vraiment le point fort des GasGas. Mais pour ces 2024, il semblerait que White Power ait écouté ses clients, puisqu'on constate une nette évolution du comportement des éléments de suspension 2024. La fourche (et l'amortisseur) travaillent maintenant beaucoup mieux et l'ensemble offre une super stabilité aux motos. Que ce soit sur l’absorption de petits trous/chocs ou lors des relances bien engagées, ça fonctionne parfaitement. L’amortisseur (avec système de biellette) tracte grave quelque que soient les phases de pilotage et verrouille bien dans les gros jumps ou autres cassures prisent à haute vitesse. Un net progrès donc coté suspensions pour ce millésime 2024 !

Le châssis, bien secondé par ces nouvelles WP, travaille bien dans pratiquement toutes les phases de pilotage. Mais personnellement, il ne m’a pas procuré de feeling particulier, car les Gasgas proposent un comportement partie-cycle très neutres. Alors qu'avec d’autres marques, on sent concrètement leurs angles de recherche – souplesse ou rigidité en fonction de la couleur de la marque – avec ces GasGas 2024 nous sommes dans le consensus.  Avantage ou inconvénient, à vous de dire ?  Mais c'est vrai qu'un peu de neutralité, cela fait du bien de temps en temps.

Voilà les bases de ce que j’ai pu ressentir sur toutes ces GasGas, avec des suspensions qui travaillent bien, des freins certes un peu mous, mais agréable et efficace à mon sens. Un poste de pilotage sans fioritures, très confortable dès que l’on s’assoit sur la selle. En bref, des motos sur lesquelles l’on se sent en sécurité et qui ne vous surprendront pas par des réactions vicieuses !

Mais si les parties cycles, offrent un comportement assez neutre, les motorisations, elles, sont incroyables sur l’ensemble de la gamme. La puissance passe au sol, c’est stupéfiant toute la traction qu'offrent ces motos. Pour faire une virgule en relance, il faut vraiment le faire exprès. Mais rentrons un peu plus dans les détails cylindrées par cylindrées.

Mes impressions cylindrées par cylindrées 

La Gas Gas 250 4T : mon coup de cœur

Cette petite deux et demi 4 temps est l'une de mes favorites cet essai ! Je comprends mieux les rupteurs à répétition d’un certain Joseph Garcia. Pour faire avancer le canasson, il faut taper dedans.  Âmes sensibles s’abstenir ! En fonction des virages, on rentre en 2 à bloc haut dans les tours, pour ressortir et passer la 3 avec une allonge moteur stupéfiante. Ce moteur marche très fort et est parfaitement étalonné sur tous les régimes.  Comme tous les petits 4T il est tout de même indispensable de bien jouer avec la boite de vitesse pour espérer aller vite.

La GasGas  350 4T : demande du doigté

La 3 et demi dispose forcément plus de couple que sa petite sœur.  On oublie les virages en deuxième, la 3ᵉ permettant de tracter presque partout si l’on veut rouler fort. Quelques relances à l’embrayage seront indispensables pour ressortir rapidement des virages, certains diront que ce n'est pas très orthodoxe comme pilotage, mais c'est efficace ! Personnellement, avec la 350, je déconseillerai les virages en seconde, le gros couple de ce moteur favorisant les erreurs de pilotages en 2.

Perso, j'apprécie moins la 350 du fait que l’on soit plus souvent sur le 3ᵉ rapport en virage en étant obligé de relancer à l’embrayage (petit manque de puissance en bas régime pour la 350 sur la 3), cela demande plus de concentration et est source d'erreurs de pilotage qu’on ne commettrait pas avec la 250 vu qu'avec elle, on reste à bloc comme un cochon !

La GasGas 450 4T : une moto exigeante

La 450 4T c'est pour moi la cylindrée le moins à mon goût, pourtant ce moteur GasGas est très bien fait, il n’y a rien à en redire, mais sans aucun doute, elle correspond moins à mon pilotage. Un moteur linéaire facile à conduire, mais une moto forcément plus lourde et donc moins joueuse Pour moi qui suis habitué au pilotage du 300 2T, la grosse 4T ce n'est pas vraiment mon kiff … À son guidon, malgré la linéarité du moteur, il faut rester bien concentré pour ne pas se faire embarquer et se méfier du coup de piston sur cette cylindrée.

La GasGas  500 4T : grosse, mais presque facile

La 500 4T est mon second coup de cœur. Oui, c'est lourd (mais juste 1 kg de plus que la 450) mais quel moteur incroyable. Il dispose d'un couple de fou furieux qui gomme beaucoup d'éventuelles erreurs de pilotage que l’on peut commettre. Certes, il faut être bien gainé et prêt physiquement quand tu tournes la poignée droite. Mais malgré tout la puissance passe au sol et c'est efficace.  Je comprends mieux maintenant le choix de Loïc Larrieu pour cette cylindrée. Pour moi cette 500 est plus agréable que la 450, mais je le redis, il faut vraiment être prêt physiquement pour la tenir la bête toute la journée quand on veut mettre du rythme…

Moins emballés par les performances des motorisations 2 temps

Vous m’en voulez si je mets presque les deux cylindrées (250 EC et 300 EC) dans le même panier ?  Attention, mon avis est vraiment tranché. Est-ce que j’apprécie l’injection sur les 2 temps ? La réponse est : absolument pas !  Habitué à ma Beta 300 2T (Ndlr : une 300 préparée course par Oxmoto pour le mondial) je sais qu'elle dispose d'un couple de fou, d'une force de malade à bas régime et d'une grosse allonge dans les hauts régimes.

Avec les 250 et 300 injectés, je n'ai pas  retrouvé du tout ce comportement. Je trouve qu'il y a peu de force à bas régime, ça prend les tours à mi-régime et ensuite ça ne marche pas si bien que cela quand tu montes dans les tours, comme si les moteurs injectés étaient un peu étouffés.

Mais, probablement que  pour un pilote moins expérimenté, l'injection sera un plus, car ça permet d'avoir un moteur assez rond ,facile à piloter sans avoir entre les jambes un monstre incontrôlable comme ça peut arriver parfois avec certains 2 temps à carburateur mal réglé. Mais au final pour moi ces GasGas 2024 injectées manquent significativement du "gniac" qui permet d'avoir un moteur vraiment réactif et plein de force.

Pour faire de l’extrême, c'est aussi probablement plus agréable (efficace?), car avec les moteurs de la 250 ou de la 300 un peu "mollassons" ça sera plus facile de trouver du grip à la roue arrière quand les terrains se font glissants. 

En comparant les 2 motos, j'ai finalement trouvé la 300 EC plus facile à piloter, car elle dispose d'un moteur plus linéaire et plus plein que la 250. La 250 EC dispose réellement de moins de force à bas régime et demandera donc plus d'attention pour aller vite. Pour faire simple avec la 250 EC si vous voulez aller vite en spéciale " il faudra absolument lui taper dedans" !

En fonction de votre niveau de pilotage, il peut donc y avoir plusieurs sons de cloches possibles pour ces modèles injectés. Quel est le vôtre ?

Conclusion

Au final, après ce galop d'essai au guidon des GasGas 2024, j’ai pris énormément de plaisir à essayer ces bécanes ! Peu importe la cylindrée, on se sent en sécurité sur les motos ! Elles répondent parfaitement aux sollicitations du pilote (avec plus ou moins d'attention et de demande de technique en fonction des modèles). Pour ce millésime 2024, c'est vraiment un plus de disposer de suspensions de bien meilleures qualités et de moteurs 4T vraiment très performants. Cette association des suspensions de qualité et de moteur performant en font des motos qui régissent parfaitement et procure un gain appréciable de stabilité et confiance pour attaquer comme un petit sanglier  (en particulier avec la EC 250 F) ! 
Certes, les 2 temps coté moteur (coté partie cycle, rien à dire pour moi)  m'ont laissée assez mitigé, mais si vous aimez les motorisations calmes et linéaires, vous ne serez probablement pas déçu. Mais si vous aimez les motos plus vives pour faire le plein de sensation, là vous vous serez peut-être un peu déçu par les sensations que (ne) procure (pas) l'injection.

 Photos : GasGas  / Sebas Romero