Romain Duchène Arrivée Dakar 2024

Romain Duchène, mon Dakar en malle moto : « ça reste la course la plus dure que j’ai pu faire »

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Découvrez l'aventure extraordinaire de Romain Duchène, pilote d'enduro, qui nous livre un récit passionnant de son expérience au Dakar 2024 en catégorie malle moto : des défis, des émotions intenses et une détermination sans faille pour arriver au terme des 7 854 kilomètres de cette course mythique.

Du championnat de France d'enduro au Dakar 

Romain , quelle a été ta principale motivation pour décider de participer au Dakar ?
C’est une épreuve que j’ai toujours suivi à la TV, que j’ai toujours eu au coin de la tête. D’années en années, les paysages, toutes les vidéos que j’ai pu voir, les récits des pilotes qui y sont allés, tout me donnait envie mais c’était pour moi inaccessible, je ne me sentais pas prêt, etc… Puis est venu le jour où j’ai participé au Roof of Africa en Afrique du Sud ( 2019 ), j’ai découvert un terrain de jeu immense, de la navigation et la liberté. Je me suis dit c’est ça que je veux faire et tout est parti de là… Puis je ne voulais pas avoir de regrets plus tard de ne pas avoir osé le faire, on n'a qu’une vie et le Dakar est un rêve pour beaucoup de motards je pense.

 

Peux-tu nous décrire brièvement ton parcours en tant que pilote d'enduro avant de te lancer dans cette aventure ? 
J’ai eu un parcours classique : jeune, motocross, endurance, prairie etc, en local. Puis nous sommes partis sur le France, d’abord en cross-country puis en enduro. J’ai fait quelques GP en mondial aussi. J’ai eu pas mal de titres en Ligue, des podiums en championnat de France d'enduro ( je me suis battus pour un titre en 2010, par exemple), j'ai même marqué des points en GP. Mais durant toutes ces années c’est le côté aventure et défi physique qui me motovait le plus. Du coup j’ai basculé sur les courses extrêmes . J’ai eu la chance de faire l’Erzberg Rodéo , l’XL Lagarès, de finir la Gordexola, l’Hixpania, la Romanicas puis le Roof of Africa.

Quels ont été les défis les plus importants que tu as rencontrés lors de la préparation de ce Dakar?
Il y en a eu plusieurs ! Il y a eu d’abord comment aborder cette épreuve, que faut-il ? Les contacts ? Comment lancer mon aventure etc… Comment apprendre la navigation. Puis la difficulté a trouver le budget. Ce dernier point est le nerf de la guerre. Mes plus grosses difficultés ont été l’avant course. Une fois sur place le plus dur entre guillemets était fait, physiquement je me sentais prêt grâce au travail avec mon ami Mathieu et niveau course je sais faire de la moto je n’étais pas inquiet !

Romain au départ de la première étape

Coté pépettes  ... au final ça coûte combien un Dakar en malle moto ?
Un bras ! Et nous sommes qu’en moto ! L’aventure m’a coûté 85000 euros au final. Il faut compter 35000 euros pour la machine équipée neuve, 20000 euros pour le rallye du Maroc, passage obligé pour obtenir son ticket d’entrée au Dakar, puis le Dakar et les à coté ! Pour une assistance il faut compter entre 20000 à 30000 euros de plus en fonction des prestations…


Comment as-tu géré la logistique et la planification nécessaires pour participer à une telle course sans assistance?
En amont de toute cette préparation j’avais contacté Loïc MINAUDIER et Xavier DESOULTRAIT que je connais bien. J’avais d’ailleurs fait quelques jours de roulage navigation chez Loïc et nous avions pas mal dégrossi certaines questions. ASO, l’organisateur du Dakar, nous aide aussi beaucoup dans toute notre préparation. Ma grande question était plus : comment aborder la mécanique lors de la course ? Car je ne suis pas très bon dans ce domaine. C’était avec du recul, un sacré challenge d’y partir sans assistance (avec mon niveau de mécanique) ! Mais en amont le site d’ASO et le service concurrent répondent déjà aux questions les plus importantes.

 

Peux-tu nous raconter une journée typique pendant ce Dakar 2024, depuis le réveil jusqu'au coucher ?
Réveil 4 à 5h du matin en général.
Enfiler l’équipement pour la journée.
Ranger son camp et amener son sac au camion.
Petit déjeuner.
Partir pour la liaison et la spéciale (en moyenne départ 6h pour ma part).
Retour au bivouac pour ma part entre 17h et 20h en fonction des journées.
Installer son camp et se changer.
Faire sa mécanique.
Préparer ses affaires pour le lendemain.
Une bonne douche.
Aller manger.
Aller au kiné / ostéo si possible.
Dodo pour ma part souvent vers 22h et 23h.

Bien évidemment, c’est un exemple de journée type sans encombre et à mon niveau.

Romain DUCHENE dakar ravaitaillement

 

Quel a été pour toi, le ou les moments les plus gratifiants ou marquants ou les plus difficile de ce Dakar  ?
Il y en a tellement ! Réussir à monter mon budget seul, affronter les chefs d’entreprise, réussir à trouver des solutions quand tu as des murs face à toi. Être au départ fût déjà une victoire ! Finir chaque journée qui a eu chacune leurs lots d’aventure, d’anecdotes ! Les accidents que l’on peut voir, aider des camardes blessés, les rencontres que l’on fait, les paysages que l’on traverse, les couchers de soleil et les couleurs du ciel magnifiques. Il y a tellement de choses à dire ! Mais le plus marquant restera l’arrivée, ce sentiment, ces émotions uniques qui te traversent, toi seul peut les vivre, se dire, je l’ai fait, j’ai fini le Dakar !

Romain DUCHENE dakar arrivee 2024Des émotions intenses à l'arrivée de ces 7 854 kilomètres d'une course hors norme

Comment as-tu surmonté les moments de doute ou de difficulté pendant la course ?
Il faut savoir que je n’ai jamais douté, jamais eu l’idée rien qu’une seconde d’abandonner. J’ai plus douté les mois avant la course pour savoir si j’allais réussir à trouver mon financement. Les difficultés, je les ai surmontés simplement. Je ne suis pas parti au Dakar dans l’idée de faire la course mais dans celle de vivre une aventure. Je ne suis pas rentré dans le jeu des résultats, j’ai roulé à 70% pour ne pas prendre de risques inutiles, mon seul objectif était d’être à l’arrivée.

J’étais formaté dans l’idée que s’il fallait rentrer tous les jours à 4h du mat, je le ferai !
Au 3° jour, quand je chute fort et que je casse les vis des pontets, sur le moment, j'étais dépité, Amaury m’a fait penser à ma sangle pour fixer le guidon et voir si ça pouvait tenir. Je suis reparti en me disant ok, il reste 240 km je roule à 30 km/h faut que ça tienne, tu vas sortir tard, mais tu vas sortir. Bon au final, j’ai repris mon rythme et perdu seulement 45 min dans l’histoire.

Romain DUCHENE chute moto dakarLe système D en action pour pouvoir renter au bivouac après avoir cassé sur une chute les vis des pontets de guidon

Idem quand mon moteur qui a avalé du sable le 5° jour. La séance mécanique a été longue, heureusement, j'ai été bien aidé par Ben et Sébastien de l’organisation des malles moto. Nous avons réussi à refaire le moteur. J’ai été rodé tard dans la nuit, tout re-vidanger deux fois etc. La nuit fût courte, mais je n’ai jamais douté. Ça fait partie de la course et du Dakar, j’ai tellement galéré à être là que sur place rien ne pouvait m’arrêter. Il aurait fallu que je me fasse vraiment mal ou que la moto soit irréparable pour m’arrêter !

 

Coté pilotage, est-ce que ton expérience aquise durant les années passées t’as servie  ou est-ce totalemet différent ?
Oui bien sûr. Mon bagage technique acquis durant toutes ces années m’a bien servi. Le roulage dans le sable, dans les cailloux, le franchissement des dunes etc. Rien ne m’a dérangé. Cette expérience et la gestion de l’effort aussi. Se connaître, savoir quand ça va et quand ça ne va pas et dérouler sagement sans risques inutiles. Prendre sur soi et être réfléchi pour ne pas rouler bêtement et partir à la faute. Beaucoup de facteurs en fait. À la fois, je regrette de ne pas y être allé avant et d’un côté sans tout ce passé, je n’aurai pas su gérer la course comme je l’ai fait.

Romain DUCHENE dakar 2024

Avec le recul, comment jugerais-tu le niveau de difficulté d’un Dakar , comparé par exemple à une Romaniacs ou l’Erberg que tu as pu faire ? 

Incomparable !  En extrême, tu es dans le rouge niveau cardio, tu te fais mal, physiquement, tu es cassé, des courbatures, etc. Mais c’est court, mis à part la Romaniacs et le Roof le reste, c'est une journée ou demi-journée.
Là, au Dakar pas du tout. Je me suis mis rarement dans le rouge, je n’ai pas eu de courbatures. Cependant j’ai eu une fatigue générale qui est arrivée progressivement. Le Dakar t’use à petit feu, doucement jour après jour. Le réveil tôt, les longues liaisons, les longues spéciales, la malle moto, les variations de températures (de 3 à 33 degrés cette année), le bruit, le manque de sommeil, bref , tout en fait.

Romain DUCHENE pilote moto dakar

Techniquement rien à voir non plus, tout passe facile. Mais mentalement, c'est dur, encore plus avec la fatigue. Gérer la navigation et le tracé, être concentré chaque seconde, ça use un homme. De toute façon, la moindre perte de concentration, le désert te rappelle à l’ordre instantanément ! Mais ça reste la course la plus dure que j’ai pu faire, vraiment loin en haut du tableau !

Romain DUCHENE dakar desert 2024Des images qui resteront gravées à tout jamais

Quels conseils donnerais-tu à un pilote amateur qui envisagerait de participer au Dakar ?
Sois déterminé ! Le Dakar commence le jour où tu décides de te lancer. La recherche de budget, préparer la logistique etc. C’est déjà l’aventure. Si déjà, tu penses à arrêter avant d’y être, ne pars pas, le Dakar ne te loupera pas malheureusement.
Comme je l’ai dit auparavant, il ne faut rien lâcher jusqu’au bout ! il faut être prêt mentalement, physiquement, psychologiquement. Quand on veut, on peut, j’en suis l’exemple et comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Mais pas contre, tu vas vivre une aventure unique, une expérience de vie de fou. Je finirai tout simplement par citer le slogan du Dakar : DREAM, DARE, LIVE IT (Rêve, Ose, Fais-le). Pour ma part, il a pris tout son sens !

Romain DUCHENE dakar 2024 2Le Dakar : DREAM, DARE, LIVE IT

Quelle a été la réaction de tes proches et des personnes que tu cotoies en apprenant ta participation ?
Au niveau des proches, c'était fou la réaction, que soient mes clients ou les personnes chez moi, tous étaient à fond et m’ont soutenu, ont été admiratif, etc. J’avais créé un groupe WhatsApp avec mes partenaires, ma famille, des amis, il y a eu une alchimie de dingue dessus, c'était motivant, réconfortant.
Au niveau de ma famille, je sais qu’ils n’étaient pas très favorables à ce que j’y aille, mais ils savaient aussi que quand j’ai une idée en tête, un objectif, c'est difficile de m’en dissuader. Ils ont pu voir certains documents à signer avant course, ça rajoute encore de l’appréhension. Je pense qu’ils n’ont pas trop dormi pendant la course ! Le Dakar et les risques qui vont avec, on le sait ! Il y a aussi les mauvaises langues à gérer, tu sais les « je suis meilleur que toi, j'aurai pu faire ci ou ça  », « Oui peut-être, mais tu n’y es pas, je t’invite à t’y lancer et on verra si déjà, tu seras au départ »… À méditer !
Romain DUCHENE dakar dunes 2024Romain DUCHENE dakar dunes 2024


Au final, comment cette expérience du Dakar vaa-t-elle influencer tes perspectives sur la compétition moto et sur ta vie en général ?
Sur la compétition, je ne sais pas encore, je n’ai pas assez de recul, je sais juste que je ne vois pas ce que je peux faire aujourd’hui de plus fou. Le Dakar, c’est le Graal !.
Pour le moment, je ne me vois pas faire de l’enduro, tourner en rond, je n’en ai pas envie. Sur la gestion du team ( ndlr : le Team GPmotors Beta)  je pense que je vais être encore plus organisé, plus exigeant aussi vis-à-vis de mes pilotes.
Personnellement l’après Dakar n’est pas facile un mois après. J’ai du mal à descendre de mon nuage, je me pose des questions notamment pros, c’est un peu fade, il ne se passe rien, il manque cette adrénaline et cette intensité. On m’avait prévenu, tu verras, le Dakar change un homme, c’est peut-être vrai, l’avenir me le dira, mais il y aura du changement, c'est certain…

david castera romain duchene dakar 2024Romain aux côtés de David Castera sur le podium d'arrivée

Question piège… tu repars en 2025 ?

Joker…. Ahah. Plus sérieusement pour le moment non. Déjà il faut retrouver du budget et je suis un peu usé de cette recherche pendant 2 ans. Après, c'est un mois de congés consacré au Dakar, en plus du Team GpMotors à côté ça ne me laisse rien pour les vacances avec Madame.
Ce sont des concessions, faut en être conscient. Puis, je me connais, je sais très bien que si j’y retourne je vais me prendre au jeu pour faire mieux et je préfère rester sur cette note positive avec tous les souvenirs qui vont avec ! Pour me faire repartir il faudrait retourner en Amérique du Sud car les paysages mont fait rêver là-bas ou alors un deal copilote…
Dans l’immédiat, je vais me consacrer à ma vie perso et à la gestion du Team avec Yves ! Mais une chose est sûre, l’appel du désert est bien là, je suis déjà en manque…

Romain DUCHENE dakar action

 

Reportage de France 3 Aquitaine au sujet du Dakar de Romain 

 

Photos : Romain  / Dakar / Action Photographers

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