Le constructeur KTM, filiale de Pierer Mobility AG, traverse une crise qui nécessite une profonde restructuration et un apport financier important. Le 12 novembre 2024, Pierer Mobility AG a annoncé un besoin crucial de liquidités pour 2025. KTM AG représente plus de 95 % de son chiffre d'affaires.
KTM : Besoin de liquidités et restructuration d’envergure pour assurer l’avenir du constructeur autrichien
Le constructeur de motos KTM, filiale de Pierer Mobility AG, fait face à une situation critique. Une restructuration profonde et un important financement sont nécessaires. Dans un communiqué du 12 novembre 2024, Pierer Mobility AG annonce un besoin crucial de liquidités pour assurer la stabilité de KTM en 2025. Au sein de la holding Pierer Mobility AG, il faut noter que KTM AG représente aujourd'hui plus de 95 % du chiffre d’affaires de Pierer Mobility AG.
Une dette en hausse et des besoins urgents : 200 millions de perte
La dette de Pierer Mobility s'est accrue de manière significative. Elle est passée de moins de 300 millions d’euros en 2022 à 1,5 milliard d’euros en juin 2024.
Cette situation oblige le groupe à trouver des liquidités pour sécuriser son avenir financier. Des prix de ventes public élevés, une demande pour les motos et vélos KTM en baisse, ont ainsi aggravé les difficultés financières de l'entreprise Autrichienne qui n'a pas réussi à négocier l'après covid.
Florian Kecht, directeur des ventes du groupe, a précisé :
Fin 2024, notre perte sera de près de 200 millions d’euros. Mais nous sommes une entreprise qui aime le risque, la concurrence. Et nous sommes chaque jour en concurrence avec les meilleurs de notre secteur. Il est donc difficile pour nous de dire que nous avons fait pire que les autres. Cependant, il faut aussi nous écouter pour se faire une idée plus claire des raisons de notre situation.
Une partie de ce déficit provient de l’activité vélo, mais une partie, 78 millions, de la division moto. Nous ne pouvons pas le cacher mais nous sommes confiants dans notre capacité à nous redresser. Nos produits sont toujours incroyables. Nos marques sont toujours aussi fortes. L’engagement des propriétaires et des actionnaires est toujours là. Traverser cette période difficile ne doit pas remettre en question notre plan pour l’avenir. C’est une situation désagréable, mais gérable.
Négociations avec les créanciers et les actionnaires du groupe
Pierer Mobility AG a entamé des négociations pour obtenir un financement relais. La société est en discussions avec Pierer Bajaj AG, actionnaire majoritaire, et ses créanciers financiers. Un crédit relais de plusieurs centaines de millions d'euros est en jeu. En parallèle, Pierer Mobility espère conclure un accord de standstill temporaire avec les créanciers. Cet accord permettrait de maintenir une certaine stabilité financière pendant les négociations. Toutefois, ces pourparlers en sont encore à leurs débuts, et aucune décision n’est encore prise sur le montant exact ou les conditions de ce financement.
Une restructuration avec réduction des volumes de production
Pierer Mobility AG ne cherche pas uniquement des fonds. Elle vise aussi à stabiliser les opérations de KTM AG. Pour cela, elle prévoit de réduire considérablement la production. Cette réduction devrait permettre de diminuer les stocks tant chez KTM AG que chez les revendeurs. Elle ramènerait ainsi les niveaux de stock à un niveau "économiquement durable". La société entend aussi réduire les charges administratives, pour alléger les coûts et améliorer la rentabilité.
Des suppressions de postes et une réorganisation interne
La restructuration inclut des réductions d'effectifs. Au premier semestre 2024, Pierer Mobility AG a supprimé 373 emplois, dont 309 en Autriche. En août, elle a encore réduit ses effectifs de 200 postes supplémentaires, principalement en Autriche. La direction de Pierer Mobility AG a également été réduite, passant de six à deux membres pour réduire les coûts. La société n’a pas encore précisé l’ampleur des suppressions de postes futures. Un porte-parole indique toutefois que la société travaille "à obtenir rapidement des clarifications et mettre en œuvre un plan d’actions".
Florian Kecht explique :
Mon premier message est que la transformation a commencé. La première étape consiste à réduire la taille de l’entreprise afin de rééquilibrer l’offre par rapport à la demande. Nous réduisons la quantité de motos produites en Autriche de près de 40 % en un an pour nous assurer qu’il n’y a pas d’offre excédentaire de produits, qu’il s’agisse de KTM, Husqvarna ou Gas Gas. Nous voulons revenir à une situation où nous aurons des produits moins disponibles que la demande du marché
Une pression boursière intense et un cours en chute libre
Les difficultés de Pierer Mobility ont un impact important sur la Bourse. L’action a perdu plus de 90 % de sa valeur depuis son sommet en janvier 2022. Cette chute est accentuée par trois avertissements sur les bénéfices ces derniers mois. La banque Vontobel envisage même la possibilité d'une conversion de dettes en actions pour alléger la pression. Cette conversion, si elle avait lieu, diluerait la participation des actionnaires actuels. La gravité de la situation ne passe pas inaperçue, et le marché observe de près les évolutions de Pierer Mobility.
À la publication du communiqué par le groupe hier, la réaction des marchés n’a pas tardé : les actions de PIERER Mobility ont connu une chute de plus de 30 % à la Bourse SIX Swiss Exchange
Un défi stratégique majeur pour KTM
Au premier semestre 2024, Pierer Mobility AG a vu son chiffre d'affaires baisser de 27 %. Il atteint désormais 1 milliard d’euros, avec une perte nette de 172 millions d’euros. Le segment des vélos a contribué aux pertes, affichant un résultat négatif de 117 millions d’euros. Le secteur moto, quant à lui, a enregistré une perte de 78 millions d’euros. La restructuration vise à stabiliser les coûts et à atteindre une rentabilité dès 2025.
Malgré les défis, Pierer Mobility AG reste déterminée à soutenir KTM AG. L’entreprise continue d’investir dans de nouveaux modèles, récemment présentés au salon EICMA de Milan. La restructuration vise à "stabiliser les coûts et les ventes dès 2025", comme le précise le communiqué, pour créer une base durable et solide pour l’avenir du groupe.
Le futur du groupe KTM en compétition ?
De nombreuses rumeurs circulent quant à la capacité du groupe à maintenir son engagement vis-à-vis de la compétition. À ce sujet aussi, Florian Kecht, a là aussi souhaité expliquer la position de KTM :
« Des rumeurs circulent également sur le fait que KTM se retire de la compétition. Rien n’est plus faux. KTM est synonyme de course. Elle l’a toujours été. Ce qui est vrai, c’est que nous nous recentrons. Il est logique, surtout lorsque les choses vont mal, de sauvegarder la marque KTM avant toute autre chose. Nous nous recentrons donc et mettons en avant KTM avant tout. L’an prochain, vous verrez quatre KTM en MotoGP. Mais ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir une équipe avec une autre de nos marques, c’est parce que nous voulons briser la domination de Ducati avec une KTM. C’est une intention stratégique, et pas une nécessité financière de recentrer nos activités racing.
« Il faut également prendre en compte deux autres aspects. Si nous devions maintenir le même engagement pour nos trois marques en compétition, quelle que soit la catégorie, il n’y aurait tout simplement pas assez de pilotes pour alimenter les trois marques en futurs champions. Cela n’a aucun sens. Nous devons donc réfléchir stratégiquement à quelles marques utiliser et dans quel but dans les compétitions internationales.
« L’autre aspect est que nous dépensons environ 100 millions par an pour la course, et si l’on rapporte ce chiffre au CA, je ne pense pas qu’il y ait une entreprise au monde qui soit plus engagée que nous dans la course. Si nous faisions faillite, que resterait-il ? Donc, pour dire les choses franchement, tant que nous sommes là, nous sommes là pour gagner. Et nous sommes là pour faire briller nos pilotes et nos produits.